Le coiffeur des dames

Sous le Second empire




Ce petit texte est extrait de " La Physiologie du COIFFEUR , de L.Lemercier de Neuville , en 1862

Avant d'esquisser les différents types de coiffeurs de dames, il est utile de poser d'abord le personnage.

Le coiffeur de dames est, en général, jeune, assez beau garçon, poli d'une manière excessive, souvent fat, prévenant et discret.

Il jouit d'une bonne santé, et quand il a des dents gâtées, il mange de la menthe ou du cachou.

Il ne fume pas avant le fin de la journée

Il est aussi indispensable à une femme du monde que sa femme de chambre et sa couturière.

D'un autre côté, le coiffeur des dames doit être l'ami intime de la femme de chambre, dont il ne peut se passer ; car si, au théâtre, l'artiste dramatique a besoin tout d'abord des bravos  du chef de claque, de même, dans le boudoir, la femme a besoin des compliments de sa femme de chambre ; c'est la pierre de touche de sa beauté  du soir, c'est l'éprouvette de la séduction qu'elle doit inspirer.

Le coiffeur commence donc son travail par mettre de son côté la femme de chambre. -C'est d'un savon parfumé, un flacon de vinaigre, une  résille, etc..., qui sert de base à ce traité muet, et voici comment il s'exécute :

            On sonne, c'est le coiffeur.

            - Oh ! comme vous êtes en retard, aujourd'hui !

            Règle générale, - le coiffeur est toujours en retard, quoiqu'il soit toujours très-exact.

             - Rien ne fait courir les aiguilles d'une pendule comme l'impatience d'être jolie.

            Le coiffeur s'excuse ; il dénoue la tresse et dispose à sa proximité tous les engins de séduction. La métamorphose  commence.

Croyez-le bien, - et voici où la profession devient un véritable  art, il est très-didfficile de parer même une jolir tête. Il semble, au premier abord, qu'éatant donnés des cheveux naturels, des cheveux postiches, des perles, des fleurs et des rubans, on peut, au bout d'un certain temps, agencer tout cela d'une manière harmonieuse ; il n'en est rien.

Il faut avoir d'abord trois qualités : la rapidité, la solidité, le goût ; il faut surtout et, avant tout, posséder la confiance de la femme que l'on coiffe ; alors celle-ci livre  sa tête avec grâce elle donne les épingles, les peignes, les fleurs ; elle sourit à son miroir, elle essaye l'artillerie de ses yeux ; en un mot, elle fait la répitition de sa soirée.

Quand la coiffure est terminée, elle dit à sa femme de chambre :

                - Comment me trouves-tu, Rosette ?
                - Madame est ravissante ! (voilà pour le savon) ; madame est fraîche comme une rose ! (voilà pour le vinaigre) ; madame n'a jamais été mieux coiffée ! (voilà pour la résille)

            Alors le coiffeur sourit, prend son chapeau, salue et ...

                - Ah ! tenez, madame, dit-il, je vous apporte deux produits nouveaux, complétement inédits :  l'Eau des harems d'Asie, pour le teint, infaillible ! et l'Essence de foins nouveaux, pour le bain.

                Le coiffeur pose les deux flacons sur la table et la dame n'a pas eu le temps de répondre qu'il est déjà dehors.

                Car, pour être un bon coiffeur de dames, il est indispensable de savoir faire accepter ses produits ; il faut ensuite avoir le tact de n'offrir que ceux qui devront nécessairement plaire : les pommades aux brunes, les eaux aromatiques aux blondes, les vinaigres aux rousses ... et toujours ! oh surtout toujours les savons parfumés aux femmes de chambre, brunes, blondes ou rousse.

                Je n'exagère pas  en donnant cette importance au coiffeur de dames. J'en connais un qui coiffait si bien une dame, qu'elle lui acheta un homme lorsqu'il tira au sort.

                - Je ne sais pas s'il coiffait aussi le mari.

 
A suivre : le coiffeur  de théâtre