Il y a mieux, ou pis, s'il faut en croire un
chroniqueur :
Une élégante en toilette de bal monte dans sa
voiture, son mari s'apprête à franchir le
marche-pied.
Petite conversation, très
édifiante !
-Eh bien! monsieur
que faites-vous donc ? dit-elle
-Ce que je fais ?...
Mais il me semble que c'est tout simple : je vais me mettre en voiture,
-Vous voyez bien
qu'il n'y a pas de place,
-Comment! Il n'y a
pas de place pour deux dans notre coupé ?
-Quand
je suis en toilette, non. Voulez-vous donc que j'arrive au bal avec une
robe chiffonnée, froissée, fripée ?
-Mais,
pourtant, je veux aller à ce bal, moi aussi,
-Qui vous
empêche ? Envoyez chercher une voiture de place,
-Un fiacre!... Mais
avant qu'on l'ait trouvé...
-Ou bien
montez sur le siège.
-Par
exemple !
-Enfin
arrangez-vous comme vous voudrez; mais vous placer ici avec moi, c'est
absolument impossible. Fermez la portière, je vous en prie,
l'air est glacial, et dites au cocher de partir, il est près
de
minuit.
Ainsi
va le monde
conjugal.
Point
de fête où l'on ne
rencontre
quelques maris traités de la sorte.
La
toilette de leur femme, qui leur coûte si cher, a, de plus,
pour
eux le désagrément de les mettre à
pied lorsqu'ils
ont voiture, et de les contraindre à suivre en fiacre le
confortable équipage dont leur égoïste
moitié
leur interdit l'accès. -
On prétend qu'il y a aux
tribunaux de la Seine des demandes en séparation de corps,
fondées sur l'ampleur des jupes.
L'incompatibilité de
vêtement va se joindre à
l'incompatibilité
d'humeur.
Au
bal de Vély-Pacha, un Anglais proposait un
moyen de
concilier la
grandeur de parures avec la petitesse des véhicules.
-Mesdames,
disait-il à trois...robes qui remplissaient à
elles
seules un boudoir, imitez la fameuse comtesse de Carliste, cette
coquette britannique d'il y a deux cents ans, qui serait immortelle par
ses fantaisies, si elle ne l'était par le portrait de
Van-Dyck
la Comtesse Carliste
Comtesse Carliste
C'est
elle qui détourna une rivière pour avoir dans son
parc
une cuvette à laver ses mains. La cuvette était
un bassin
de marbre de Carare, et le pot à l'eau un vase antique
renversé par une statue. Ce cabinet de toilette
coûta deux
cent mille livres à la comtesse. Voici
l'expédiant
qu'elle imagine, et que je vous propose, pour éviter de
froisser
ses parures en se rendant au bal. Elle fit construire une
énorme
chaise qu'elle nommait un étui à porteurs, et
dans
laquelle elle se tenait debout, appuyée à un
dossier de
velours, les mains accrochées à des anneaux pour
garder
l'équilibre, ses vastes jupes, ses rubans et ses dentelles
flottant autour de sa personne, comme autour du mannequin de sa
couturière. Elle arrivait ainsi à la cour et dans
les
salons de l'aristocratie sans le moindre pli à sa robe, sans
le
moindre dérangement dans ses fanfreluches; aussi son
entrée dans les fêtes causait un
éblouissement
général. On nous assure que cette confidence de
l'Anglais
a eu des résultats, et que plusieurs
élégantes ont
commandé des voitures sans coussins ni banquettes, avec un
siège unique, celui du cocher. Ces voitures s'appellent
d'avance
: des étuis à quatre roues. S'il en
paraît
quelques-unes à Longchamps, nous les ferons
dessiner.
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