Petites et grandes
réceptions
à la Cour Impériale sous
Napoléon III
Ces textes sont tirés du livre "
La
vie quotidienne sous le Second
Empire" de Maurice ALLEM et du livre "
Le
Second
Empire" de Pierre Miquel
Les
petites réceptions
L'Impératrice
donnait dans son appartement des
réceptions particulières. On les appelait les
"lundis" ou les "petits lundis" de
l'Impératrice.
Elle y réunissait des jeunes filles de sa famille, de ses
relations personnelles, de son entourage, des jeunes gens aussi.
C'était un milieu gai. On dansait. On jouait à de
petits jeux ou on jouait aux charades.
Ces réunions furent recherchées.
L'Impératrice fut amenée, peut-être par
ses premiers invités, à y appeler des
invités nouveaux. Ils devinrent de plus en plus nombreux.
Mme Lilie Moulton se souvenait de s'y être trouvée
parmi trois cents personnes. Les "petits
lundis" avaient grandi, ils n'étaient pas au
terme de leur croissance, le nombre des invités s'enfla
jusqu'à dépasser six cents. C'était
presque de grandes réceptions.
Les invités arrivaient avant dix heures, en toilettes de
soirée ; les officiers de la maison de
l'Impératrice portant l'habit bleu foncé
à boutons dorés, avec col de velours et pans
doublés de satin blanc, la culotte et les bas de soie
; les autres invités étaient en habit
noir et culotte. On dansait dans
le salon d'Apollon.
L'Impératrice,
qui préférait les bals intimes ne dansait
guére alors ; retirée dans un salon
voisin, elle s'entretenait avec quelques-unes des femmes de son
service. Des invités se joignaient à elles et
agrémentaient la conversation.
Mérimée, entre autres, savait les
intéresser et les divertir. L'Empereur n'assistait pas
à toutes ces réunions. Quand il s'y trouvait, il
faisait danser quelques dames. Il aimait particulièrement
conduire un quadrille de lanciers ou cette sorte de ronde
appelée "la
boulangère". Après un cotillon, que
conduisaient, à l'allure la plus entraînante le
Marquis de Caux et la princesse Anna Murat, la soirée se
terminait par un souper, servi par petites tables, dans
le salon de la Paix
. A une heure, les invités étaient partis.
Les
grandes
réceptions
Elles
avaient bien plus d'éclat. Les
invités y
étaient
bien plus nombreux ; de trois à quatre mille. Ces
soirs-là, tout resplendissait sous la profusion des
lumières ; le grand vestibule par où les
invités
entraient et le grand escalier à double
révolution sur
les marches duquel s'étageait la haie de hauts et solides
cent-gardes rigide, le sabre au poing, et dont les cuirasses brillaient
; resplendissait aussi
la
galerie de Diane, où les invités
étaient introduits et où ils attendaient
l'arrivée des souverains.
Le
bal annuel des Tuileries
avait lieu en Janvier, il était
éblouissant.
Réception
des Tuileries 1854
Voici
comment se
déroulait ces grandes réceptions
:
A neuf heures, un
chambellan annonçait l'Empereur.
Il paraissait, suivi de l'Impératrice, qui saluait leurs
invités de son inimitable révérence.
Elle portait
des toilettes de la plus grande simplicité, que des
mémorialistes ont minutieusement décrites et,
pour
m'exprimer comme eux, de magnifiques joyaux "sur ses magnifiques
épaules". L'Empereur avait, le plus souvent, la tenue de
général de division, avec culotte blanche en
casimir et
bas blancs. A l'exception de l'écuyer de service, qui
portait la
culotte de peau de daim et des bottes à
l'écuyère
vernies, tous les officiers du palais avaient, comme l'Empereur, des
bas blancs et la culotte blanche. Ils étaient
chaussés
d'escarpins. Ils portaient l'épée, mais, selon
leur
fonction, ils revêtaient un habit différent. Celui
des
maîtres du palais était couleur
lie-de-vin,
brodé d'or au collet aux parements et autour des basques ;
celui
des chambellans était écarlate,
surchagé de
dorures, et, sur la basque gauche, portait une clef dorée,
insigne de leur fonction. Les invités civils
étaient en
habit de Cour avec broderies au collet et aux parement, et, quoique
civils, avaient aussi l'épée au
côté.
Les
souverains prenant la tête du cortège que
formaient les
invités, pénétraient dans le
majestueux
salon des
Maréchaux
aux accents d'une marche que jouait un orchestre placé dans
une
galerie de ce salon. Au-dessous de cette galerie était
dressée une petite estrade avec fauteuils pour l'Empereur et
l'Impératrice, chaises pour les princes, tabourets pour les
ambassadeurs et les ambassadrices. Arrivés à
cette
estrade, les souverains saluaient de nouveau l'assistance dont le
spectacle, au dire des témoins
émerveillés,
était inoubliable. Quel éclat avait cette
réunion
- on oserait dire, si ce terme se pouvait ennoblir, cette foule - de
jolies femmes délicieusement parées,
décolletées, scintillantes de diamants, et
d'hommes,
aussi parés eux-mêmes qu'ils pouvaient
l'être :
officiers de l'armée, officiers du palais, officiers
érangers, diplomates, tous en beaux uniformes
couverts de
dorures, pavoisés de décorations, et auxquels les
invités civils ne mêlaient pas la tache d'un seul
habit
noir. Un chroniqueur de l'Illustation,
Philippe Busoni, fit, à propos de deux au moins de ces grans
bals, la reparque que la richesse des uniformes faisait pâlir
les
feux des diamants, et le comte de Maigny écrivait dans ses
Souvenirs que l'ensemble était féerique.
A peine dans le salon des
Maréchaux ,
l'Empereur et l'Impératrice, avec les personnes qu'ils
avaient
désignées, ouvraient le bal en dansant un
quadrille.
Premier grand bal donné au Palais des Tuileries : le
quadrille d'honneur
Vers dix heures et
demie, les Souverains faisaient le tour des salons,
s'arrêtant devant certains invités auxquels ils
disaient
quelques mots. C'était un honneur envié que
d'être
parmi ces priviligiés ; tous voulaient
être au
premier rang et, pour y parvenir, certains comme dans une foule moins
distinguée, pressaient ou poussaient un peu leurs voisins.
Il se
produisit même des remous plus vifs. Ainsi, au premier de ces
bals où, vers minuit, dans toute l'animation de la
fête,
parut la Comtesse de Castiglione. Son impeccable beauté
fascina
tous les regards ; on se bousculait sur son passage et l'on a
raconté, que, malgré la tyrannie de
l'étiquette,
ceux - ou plutôt celles - qui ne pouvaient
l'approcher se
hissèrent sur des chaises afin de mieux la voir. La
princesse de
Metternich, rappelant sa première rencontre avec la
Castiglione,
n'a-t-elle pas écrit "devant ce miracle de
beauté" elle
resta pétrifiée. L'Empereur n'aurait pu
écrire le
contraire, lui qui s'éprit de cette surprenante
beauté de
moins de vingt ans que Cavour avait envoyée à la
Cour de
France avec mission de gagner l'Empereur à la cause
italienne,
et en la laissant libre d'employer à cette fin les moyens
qu'elle jugerait les plus propres. Il n'y en avait pas deux.
Les Souverains ayant fait le tour des salons, le souper
était servi dans la
galerie
de Diane. Pour les invités qui n'y
étaient pas priés, il y avait un buffet dans la
galerie des Travées.
Vers
minuit, l'Empereur et l'Impératrice se retiraient, et la
fête continuait jusqu'au cotillon qui, vers trois heures du
matin, la terminait.
Une autre page sera consacrée "
Bals
travestis"
A
lire, pour en savoir plus : La fête impériale